mercredi 10 octobre 2007

« Mêmes droits, mêmes voix » : Un plaidoyer actif pour les femmes migrantes en Europe

Parce qu’il « considère que les femmes migrantes en Europe doivent avoir l'opportunité de se rencontrer, de s'organiser et de s'exprimer pour promouvoir leurs droits », le Lobby Européen des Femmes a lancé le programme « Mêmes droits, mêmes voix » qui leur est spécifiquement destiné. La première étape de ce projet a été d’initier un dialogue avec les femmes leaders dans les communautés migrantes de l’Union Européenne et d’autres associations actives dans le domaine de l’immigration, lors d’un séminaire qui s’est déroulé à Bruxelles en janvier 2007.

Pour Kirsti Kolthoff, présidente du LEF, cette initiative est l’occasion « d’écouter les préoccupations et les défis vécus par les femmes migrantes dans les pays de l’UE, et, ensemble, d’étudier comment traduire ces préoccupations en recommandations adressées aux responsables politiques européens ».

Les différentes coordinations nationales du LEF ont ensuite eu la charge de rendre compte dans chaque pays des échanges tenus à Bruxelles. En France, la coordination a désigné le Forum Femmes Méditerranée pour remplir ce rôle de passeur. L’ONG a ainsi organisé en septembre une « Réunion nationale des associations de promotion des droits des femmes migrantes », où a été établit un cahier de revendications et d’actions à promouvoir auprès des décideurs. « Renforcer les réseaux est un des objectifs principaux du programme » explique la représentante, Karima Ben Ahmed. « Nous pouvons témoigner de la bonne représentation des associations française lors de cette journée à Marseille. Notre rôle était de dire aux associations qu’elles sont un appui au niveau européen et qu’elles sont encouragées à y faire appel et à s’en référer. »

En effet, dans le cadre de « Mêmes droits, mêmes voix », le LEF se positionne comme un relais d’information et propose de créer des alliances transnationales entre les ONG de femmes migrantes ainsi que des partenariats avec d’autres organisations non spécifiques. Le défi du LEF est aussi «de veiller à ce que les voix diverses et variées des femmes migrantes en Europe soient entendues et prises en compte». Un équilibre délicat sera à trouver entre l’exigence de refléter la multitude des problèmes rencontrés, différents selon la situation et les chemins migratoires de chaque femme, et la nécessité exprimée par Karima Ben Ahmed de « trouver une homogénéité dans les demandes et revendications » pour mieux être audible.

Pour l’heure, la ligne d’action prioritaire est de militer que soit intégrée une dimension de genre dans les politiques migratoires européennes. Pour permettre une amélioration globale de la prise en compte des droits des femmes migrantes, cette analyse de genre devra intervenir « dans les politiques et les actions à chaque stade du processus de migration ». l’étape pré-migratoire, la traversée des frontières et l’intégration dans le pays d’accueil. Le LEF préconise notamment une coopération avec les pays d’origine menée dans le respect des droits humains des femmes comme priorité. Esther Fouchier, présidente du Forum Femmes Méditerranée, regrette en effet que l’UE n’ait aucune exigence dans ce domaine lorsqu’elle met en place des accords de partenariats, au titre que la condition des femmes dans un pays serait considérée comme une particularité culturelle sur laquelle elle n’a pas à intervenir. Elle regrette aussi «des inégalités statutaires entre hommes et femmes qui peuvent être reproduites dans le pays d'accueil, en raison de l’application de dispositions discriminatoires des conventions bilatérales».

Elle recommande sur ce point que la France « prenne modèle sur la loi votée en Espagne en 2003 et qui prévoit que la seule loi applicable sur un territoire donné est la loi du pays où vivent les personnes concernées et pas la loi de leur pays d'origine. » L’échange d’expérience et de bonnes conduites est aussi un des axes du projet européen.

Caroline Hocquard

vendredi 5 octobre 2007

Allô la France, bonjour l'Afrique!



A la dernière fête de l'Humanité, un projet de radio panafricaine émettant, depuis la France, sur les ondes du continent, a été expérimenté. Récit de l'aventure d'"Afrik en ondes".


Pendant trois jours et une douzaine d’heures d’émission, la radio « Afrik en ondes » a rempli sa mission : « permettre un dialogue Sud-Sud à partir d’un pays du Nord ». Grâce à un réseau de radios partenaires dans toute l’Afrique de l’Ouest ainsi qu’en Afrique centrale, la diaspora africaine et différents acteurs politiques ont pu s’adresser directement aux auditeurs africains. Et la voix de l’Afrique s’est exprimée, en retour, à travers l’intervention de journalistes locaux dans les débats tenus depuis Paris [1].

L’idée de ce projet est née de la rencontre de deux hommes. Jean-Paul Vanhoove, créateur de l’Agenda des Actions Africaines en Région Parisienne (et conseillé municipal PCF), cherchait depuis longtemps un moyen de renforcer l’accès médiatique de la diaspora africaine en France. Il s’était rapproché de l’Association de la Presse Panafricaine (APPA), et le projet de monter un stand Médias Africains lors de la prochaine Fête de l’Humanité, qui allait de manière propice être dédiée au continent, était en train de se construire. Puis, vint l’homme de radio, qui apporte sa pierre à l’édifice. Freddy Mulungo, fondateur de Réveil FM, première radio communautaire de Kinshasa, propose tout de suite d’investir les ondes pour jeter un pont entre la diaspora et les africains du continent.

Ce journaliste indépendant, qui a subi de nombreuses intimidations dans son pays, a trouvé refuge en France en mars 2007. « Avec les élections au Congo, les menaces étaient devenues insoutenables, j’ai préféré partir. Comme on dit : "Mieux vaut un chien vivant qu’un lion mort". A peine arrivé, Freddy trouve avec ce projet le moyen de continuer à faire son travail, qu’il considère plutôt comme son devoir : informer. « Je pense que les Africains de la diaspora doivent absolument prendre des initiatives dans le domaine médiatique, insiste-t-il. Il faut multiplier les actions, notamment sur Internet. La diaspora africaine, celle qui milite dans les associations, regorge une mine d'experts capables d'expliquer et proposer les solutions adéquates pour une Afrique debout. »

Ainsi, l’implication de plusieurs organisations de la diaspora était un préalable évident et indispensable pour les instigateurs d’Afrik en Ondes. « On a voulu qu’Afrik en Ondes soit un média pluraliste, citoyen, un cadre fédérateur de toutes les sensibilités africaines. A travers les intervenants, des points de vue divers ont pu s’exprimer. On a insisté sur l’importance d’un débat respectueux, non violent : la radio n’est pas une arme ni une tribune où les gens viennent rendre des comptes. Ce genre d’utilisation ne mène à rien, il faut rester responsable et ouvert. »

Pont entre l’Afrique et sa diaspora, mise en commun d’expériences et d’opinions, Freddy Mulungo se réjouit qu’Afrik en Ondes puisse « faire vivre un panafricanisme de peuples, bien plus essentiel à son sens que le panafricanisme institutionnel. » L’expérience fut plutôt satisfaisante sur ce point : la discussion a bien eu lieu, et tous les partenaires et intervenants ont contribué, ensemble, à donner corps au projet. Aux radios associatives d’Afrique qui ont diffusé les émissions sur leur fréquence, Freddy va faire part de envie de maintenir que ce réseau actif. Il espère pouvoir installer un dialogue durable à travers un rendez-vous hebdomadaire.

Caroline Hocquard

Photo: Christiane Taubira et Aminata Traoré sur la plateau d'Afrik en Ondes


[1] Suzanne Kalalobé, radio Equinoxe au Cameroun.
Fatou Dyé, radio Sud FM au Sénégal.

M. Dzimas, du journal Forum de la Semaine au Togo.




dimanche 30 septembre 2007

Youssou N’Dour alerte la jeunesse africaine sur les dangers de l’émigration clandestine.

Chaque année, des milliers d’Africains meurent en mer en tentant de rejoindre les Canaries dans des embarcations de fortune. Pour dissuader les candidats à ce genre de traversée, les gouvernements espagnol et sénégalais ont lancé avec l’OIM une campagne télévisée diffusée dans toute l’Afrique de l’Ouest. Dans un spot met en scène des témoignages douloureux et des images choc, le chanteur Sénégalais Youssou N’Dour prête sa notoriété. Face à la caméra, il s’adresse, en wolof, à ses compatriotes : « Vous connaissez déjà la fin de l’histoire. Ne risquez pas votre vie. Vous êtes le futur de l’Afrique. ».
Pour Le Transcitoyen, il revient sur son engagement et nous parle des projets de sa Fondation.

Qu’est ce qui vous a poussé a participé a cette campagne ?
D’abord j’ai été choqué, comme beaucoup de gens, par ces images de naufragés. J’ai réagi à ce problème avant que cette campagne n’existe. Je suis intervenu de nombreuses fois dans les médias pour dénoncer ces faits, en Espagne et au Sénégal. Depuis un peu plus d’un an, ma fondation (Fondation Youssou N’Dour) mène une campagne de proximité, pour nouer le dialogue avec les jeunes et essayer de les dissuader de partir. Voyant mon engagement, le gouvernement espagnol m’a demandé si j’étais d’accord pour reprendre dans un spot les propos que j’avais déjà tenus dans la presse. Je suis souvent considéré comme un des porte-voix de l’Afrique vers l’extérieur, mais je pense qu’il est également important de participer quand il s’agit de communiquer entre nous.

Vous possédez un groupe de presse au Sénégal. Selon vous, quel rôle les médias doivent-ils jouer pour parler des réalités de la migration ?
On ne parle pas aux jeunes des dangers de la mer. Il faut communiquer sur ce fléau. Mais les journalistes n’ont pas toujours accès aux informations. C’est pourquoi ma fondation va organiser début 2008, à Dakar, une rencontre réunissant des journalistes presse, télé et radio de toute l’Afrique, ainsi que les communicateurs traditionnels, les griots, tous ceux qui parlent dans les communautés. Nous leur proposerons des débats et une mise à niveau sur ces problématiques. Il sera question des migrations, mais aussi du rôle et des responsabilités de l’Etat dans la santé d’un pays. Il faut accéder à une vision globale des problèmes. Même s’il n’y a pas partout assez de liberté pour parler de ces choses-là, il faut quand même favoriser la prise de conscience.

Vous avez fait cette campagne pour sauver des vies, mais la politique globale des gouvernements européens dans laquelle s’inscrit cette campagne vise avant tout à restreindre les entrées...
Si leur objectif est de lutter contre l’immigration clandestine, quand elle est pratiquée avec ces moyens-là, je suis d’accord ! Il faut qu’on se dise la vérité, ces tentatives ne sont pas bonnes. Personne ne devrait mettre sa vie en danger comme ça.

Avez-vous débattu de ces questions avec le gouvernement espagnol ?
Je ne suis pas en contact avec le ministère chargé de l’immigration, mais j’ai demandé à rencontrer des membres du Parlement espagnol et du ministère pour faire un discours et engager une discussion sur ces sujets et envisager de nouvelles mesures qui pourraient améliorer la situation, notamment sur les conditions d’accueil et d’hébergement des étrangers qui sont vraiment humiliantes dans des pays comme l’Espagne ou la France. Je devrais obtenir un rendez-vous prochainement.

Dans le spot, vous vous adressez aux téléspectateurs pour leur dire : « Vous êtes le futur de l’Afrique ». En plus du danger, êtes-vous inquiet de voir partir les forces vives ?
Bien sûr ! Les hommes et les femmes d’Afrique sont notre potentiel ! Partir n’est pas la bonne solution. Nous devons communiquer sur ce que l’on peut faire ensemble, sur les chances qui peuvent naître ici, en Afrique. Beaucoup de jeunes arrêtent trop tôt l’école, je trouve que c’est du gâchis. Ma fondation développe un programme d’aide à la formation, nous octroyons des bourses aux jeunes venant de régions lointaines et pauvres qui souhaitent poursuivre leurs études universitaires à Dakar. Mais bien sûr, les structures éducatives ne sont pas toujours performantes et suffisantes. On doit se battre auprès de nos gouvernements pour qu’ils investissent d’avantage dans l’éducation. Et il faut que les Etats européens nous soutiennent pour mettre en place des filières efficaces.

Sur votre dernier album, « Alsaama Day », sorti en avril 2007, le titre «Borom Gaal» parle aussi de l’émigration et des victimes de la mer…
Oui, mais la chanson dénonce surtout les passeurs, ces mafieux qui font commerce du désespoir des gens et les envoie au naufrage. Je pense qu’avec la musique, les messages passent largement et efficacement.

Propos recueillis par Caroline Hocquard