dimanche 30 septembre 2007

Youssou N’Dour alerte la jeunesse africaine sur les dangers de l’émigration clandestine.

Chaque année, des milliers d’Africains meurent en mer en tentant de rejoindre les Canaries dans des embarcations de fortune. Pour dissuader les candidats à ce genre de traversée, les gouvernements espagnol et sénégalais ont lancé avec l’OIM une campagne télévisée diffusée dans toute l’Afrique de l’Ouest. Dans un spot met en scène des témoignages douloureux et des images choc, le chanteur Sénégalais Youssou N’Dour prête sa notoriété. Face à la caméra, il s’adresse, en wolof, à ses compatriotes : « Vous connaissez déjà la fin de l’histoire. Ne risquez pas votre vie. Vous êtes le futur de l’Afrique. ».
Pour Le Transcitoyen, il revient sur son engagement et nous parle des projets de sa Fondation.

Qu’est ce qui vous a poussé a participé a cette campagne ?
D’abord j’ai été choqué, comme beaucoup de gens, par ces images de naufragés. J’ai réagi à ce problème avant que cette campagne n’existe. Je suis intervenu de nombreuses fois dans les médias pour dénoncer ces faits, en Espagne et au Sénégal. Depuis un peu plus d’un an, ma fondation (Fondation Youssou N’Dour) mène une campagne de proximité, pour nouer le dialogue avec les jeunes et essayer de les dissuader de partir. Voyant mon engagement, le gouvernement espagnol m’a demandé si j’étais d’accord pour reprendre dans un spot les propos que j’avais déjà tenus dans la presse. Je suis souvent considéré comme un des porte-voix de l’Afrique vers l’extérieur, mais je pense qu’il est également important de participer quand il s’agit de communiquer entre nous.

Vous possédez un groupe de presse au Sénégal. Selon vous, quel rôle les médias doivent-ils jouer pour parler des réalités de la migration ?
On ne parle pas aux jeunes des dangers de la mer. Il faut communiquer sur ce fléau. Mais les journalistes n’ont pas toujours accès aux informations. C’est pourquoi ma fondation va organiser début 2008, à Dakar, une rencontre réunissant des journalistes presse, télé et radio de toute l’Afrique, ainsi que les communicateurs traditionnels, les griots, tous ceux qui parlent dans les communautés. Nous leur proposerons des débats et une mise à niveau sur ces problématiques. Il sera question des migrations, mais aussi du rôle et des responsabilités de l’Etat dans la santé d’un pays. Il faut accéder à une vision globale des problèmes. Même s’il n’y a pas partout assez de liberté pour parler de ces choses-là, il faut quand même favoriser la prise de conscience.

Vous avez fait cette campagne pour sauver des vies, mais la politique globale des gouvernements européens dans laquelle s’inscrit cette campagne vise avant tout à restreindre les entrées...
Si leur objectif est de lutter contre l’immigration clandestine, quand elle est pratiquée avec ces moyens-là, je suis d’accord ! Il faut qu’on se dise la vérité, ces tentatives ne sont pas bonnes. Personne ne devrait mettre sa vie en danger comme ça.

Avez-vous débattu de ces questions avec le gouvernement espagnol ?
Je ne suis pas en contact avec le ministère chargé de l’immigration, mais j’ai demandé à rencontrer des membres du Parlement espagnol et du ministère pour faire un discours et engager une discussion sur ces sujets et envisager de nouvelles mesures qui pourraient améliorer la situation, notamment sur les conditions d’accueil et d’hébergement des étrangers qui sont vraiment humiliantes dans des pays comme l’Espagne ou la France. Je devrais obtenir un rendez-vous prochainement.

Dans le spot, vous vous adressez aux téléspectateurs pour leur dire : « Vous êtes le futur de l’Afrique ». En plus du danger, êtes-vous inquiet de voir partir les forces vives ?
Bien sûr ! Les hommes et les femmes d’Afrique sont notre potentiel ! Partir n’est pas la bonne solution. Nous devons communiquer sur ce que l’on peut faire ensemble, sur les chances qui peuvent naître ici, en Afrique. Beaucoup de jeunes arrêtent trop tôt l’école, je trouve que c’est du gâchis. Ma fondation développe un programme d’aide à la formation, nous octroyons des bourses aux jeunes venant de régions lointaines et pauvres qui souhaitent poursuivre leurs études universitaires à Dakar. Mais bien sûr, les structures éducatives ne sont pas toujours performantes et suffisantes. On doit se battre auprès de nos gouvernements pour qu’ils investissent d’avantage dans l’éducation. Et il faut que les Etats européens nous soutiennent pour mettre en place des filières efficaces.

Sur votre dernier album, « Alsaama Day », sorti en avril 2007, le titre «Borom Gaal» parle aussi de l’émigration et des victimes de la mer…
Oui, mais la chanson dénonce surtout les passeurs, ces mafieux qui font commerce du désespoir des gens et les envoie au naufrage. Je pense qu’avec la musique, les messages passent largement et efficacement.

Propos recueillis par Caroline Hocquard


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